QUAND LES MAGNÉTOSCOPES DOMINAIENT LE MONDE
J’ai appris hier la mort du magnétoscope… Moi qui le croyais depuis longtemps décédé, eh bien non ! En fait, on en fabriquait encore en toute petite quantité pour les États-Unis… Mais voilà, c’est désormais fini, l’ère de la VHS est bel et bien HS. De nombreux souvenirs des 80′s resurgissent soudain en moi…
DES TEMPLES DÉDIÉS AU DIEU CINÉMA…
Top Vidéo Club, Jumbo Vidéo Club, Vidéo Foch, Discorama II Vidéo Club, Movies Video… Si vous êtes Calédonien et que vous avez connu le magnétoscope dans votre jeunesse, ces noms doivent vous rappeler quelques VHS. Dans les années 80, ces lieux étaient de véritables temples dédiés au dieu Cinéma. Pour la première fois, et alors que la Nouvelle-Calédonie ne possédait encore qu’une seule chaîne de télévision, nous pouvions revoir des films tranquillement installés chez nous, au jour et à l’heure que nous souhaitions. Ce qui peut paraître aujourd’hui banal ne l’était pas le moins du monde à l’époque. D’autant plus que certains titres pouvaient garnir les rayons avant même leur diffusion en salles !
L’ARRIVÉE DE LA VEDETTE À LA MAISON…
Je me souviens parfaitement de l’année 1982, année où pour la première fois un magnétoscope est arrivé à la maison à l’occasion de la fête des pères. C’était un National (Panasonic) avec ouverture sur le dessus par éjection. Je me souviens de son odeur de neuf et de l’excitation de posséder enfin ce que l’on considérait alors comme une véritable révolution ! Comprenez : désormais non seulement j’allais pouvoir louer des films, mais en plus j’allais pouvoir en enregistrer à la TV et les conserver à jamais pour les revoir à tout moment pour mon plaisir ! Début d’une grande collection…
MON PREMIER FILM VU EN VHS…
J’avais alors 16 ans. E.T., POLTERGEIST, BLADE RUNNER et STAR TREK II : LA COLÈRE DE KHAN étaient à l’affiche au cinéma. Quelle année ! Mes parents se sont inscrits, sur mes recommandations, au Top Vidéo Club. Et pourtant ce n’était pas le top en la matière. Inscription hors de prix, locations aux tarifs élevés, peu de choix… Alors pourquoi lui en premier plutôt qu’un autre ? J’y avais repéré plusieurs titres de films fantastiques et de SF encore jamais projetés en salles sur le Caillou, notamment LES MERCENAIRES DE L’ESPACE que je désirais à tout prix voir. Ce fut donc la première cassette vidéo que je devais louer dans ce Top Vidéo Club où le patron aimait péter plus haut que son c… . Ce fut aussi par conséquent le premier film que je devais découvrir sur notre télévision. Mais de mauvais réglages gâchèrent une partie du plaisir. Heureusement, nous allions vite remédier à ces parasites par un ajustement technique qui, dorénavant, permettrait de visionner définitivement toutes les autres VHS dans de parfaites conditions !
LE PORNO EN ZONE INTERDITE…
Je me rappelle également que tout au fond de ce Top Vidéo Club drôlement agencé se trouvait le rayon des cassettes pornos… La patronne me rappelait à l’ordre si je m’aventurais un peu trop près de la zone interdite. J’ai cependant parfois réussi à déjouer sa surveillance, notamment lorsqu’un client débarquait au vidéo club et qu’elle devait s’en occuper alors ! À l’inverse, je me rappelle que dans nombre d’autres vidéo clubs, n’importe qui pouvait avoir accès au rayon porno sans même connaître un avertissement de la part de la gérance. Par contre, le coin X du Jumbo Vidéo Club était assez amusant dans le sens où il était minuscule avec un petit rideau à l’entrée… Fallait se cacher, comme un gros pervers, même si les gens pouvaient vous voir en passant derrière le rayon, entre les espaces cassettes. Celui de Movies Video se trouvait quant à lui en plein centre du vidéo club, en cercle, avec des miroirs en hauteur pour permettre aux responsables de repérer de loin d’éventuels voleurs de jaquettes… Queue de souvenirs ! Oh, pardon, je voulais dire « QUE » de souvenirs, bien sûr.
TRÈS CHERS ENREGISTREMENTS…
Le premier film que j’ai enregistré en VHS, et que je possède encore aujourd’hui par nostalgie, est le chef-d’œuvre de Robert Wise : LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA (1951). Quelle joie ! Je ne sais combien de fois je le reverrai par la suite grâce à cette vidéo cassette. Mais les cassettes vierges atteignaient des prix élevés en ce temps là. Je prenais souvent des 240 minutes pour avoir le maximum de place et ainsi enregistrer deux films à la suite. Je crois qu’elles étaient aux environ de 5000 F pièce, soit un peu plus de 41 €… J’ai acheté les premières dans une boutique du Shop Center Vata aujourd’hui forcément disparue. Là encore, je me souviens de leur odeur particulière. Ouais, j’adorais en fait sniffer les VHS et les magnétoscopes dans les Eighties, et regardez dans quel état je suis aujourd’hui !
LOCATIONS À DURÉE LIMITÉE…
Les jaquettes des VHS étaient souvent superbes, même si parfois très exagérées dans leur design ou leur illustration. On pouvait aisément passer d’un distributeur professionnel aux affiches splendides à un amateur aux montages graphiques hésitants, osés ou brouillons. Souvent, seul le boîtier était exposé dans les rayons afin d’éviter les vols. On obtenait la cassette ensuite, arrivé à la caisse pour payer la location. On pouvait louer le film pour moins de 24 heures, 24 heures ou plus. Bien sûr, le tarif augmentait en fonction de la durée de location.La moyenne était d’environ 500 F, soit un peu plus de 4 €. Par la suite, des vidéo clubs proposeront des tarifs beaucoup plus souples et attractifs, la concurrence se faisant très rude vu l’explosion des vidéo clubs à Nouméa. Il fallait respecter les délais sinon nous avions droit à une amende. Il m’est arrivé d’en décrocher quelques-unes…
SE PAYER STAR WARS ET MOURIR…
La vente de films en VHS n’existait pas au début du règne la VHS en Nouvelle-Calédonie, ou alors c’était hors de prix. J’ai tout forcé pour me payer la VHS de LA GUERRE DES ÉTOILES lorsque la cassette est sortie. La patronne d’un vidéo club l’avait commandée spécialement pour moi en me précisant, je crois, qu’elle n’avait normalement pas le droit de la vendre à un client et qu’il fallait que cela reste secret (ah mince, ne racontez pas que je vous l’ai dit !). Son prix a dû atteindre les 8000 F, soit plus de 66 €… Mais que n’aurais-je fait pour posséder le film que j’adore le plus au monde…
PROBLÈMES TECHNIQUES…
La cassette VHS fonctionnait généralement bien sans malheureusement toujours proposer une belle image, claire et nette. C’était assez souvent un peu flou, voire granuleux dans le pire des cas. Warner Home Vidéo était réputé pour la qualité de ses éditions. CBS Fox atteignait un bon niveau également, et j’appréciais beaucoup les éditions Gaumont-Columbia-RCA. Cependant la cassette vidéo pouvait parfois connaître des problèmes du genre bande froissée ou poussière parasitant l’image. Pire, certains magnétoscope détérioraient parfois la bande, notamment lors des interminables rembobinages où celle-ci pouvait s’emmêler complètement dans les têtes de lecture de l’appareil ! Là, c’était assurément la catastrophe ! Je me souviens avoir vécu, heureusement très rarement, cette horrible expérience ! Cela venait parfois d’un magnétoscope trop rapide pour rembobiner.
L’EXTERMINATION DES VHS…
J’ai enregistré des tas de choses à la télé grâce à cette formidable invention qu’était le magnétoscope : des films, bien sûr, mais aussi des séries télévisées (LA QUATRIÈME DIMENSION, AU-DELÀ DU RÉEL, V…), des dessins animés (ULYSSE 31, IL ÉTAIT UNE FOIS L’ESPACE, LES MAÎTRES DU TEMPS…), des émissions (TEMPS X, FANTASY…) et j’en oublie. La plupart de ces cassettes vidéo sont parties à la poubelle au fil du temps, remplacées depuis longtemps par des DVD ou des Blu-ray de ces mêmes films, séries et dessins animés. J’ai conservé précieusement quelques TEMPS X, des FANTASY, et quelques films et séries. Parfois parce qu’ils sont encore inédits en DVD ou Blu-ray, ou tout simplement par nostalgie alors que je les ai déjà rachetés dans d’autres formats. Il est dur de voir ses VHS encore toutes belles atterrir à la poubelle…
RACISME TECHNOLOGIQUE…
Des magnétoscopes, j’en connaîtrai plusieurs, même si le premier, ce sacré National, tiendra bon une éternité ! Je possède aujourd’hui, en dehors d’un lecteur Blu-ray, un lecteur combo DVD-VHS qui me permettait, jusqu’à peu, de transférer mes VHS sur DVD. Depuis un récent changement de matériel (ampli nouveau et super écran LCD 3D), je suis dans l’incapacité de visionner la moindre VHS : sauts d’image, coupures noires, parasites… Dois-je alors me résigner à jeter mes dernières cassettes vidéo survivantes de l’apocalypse ? Non. Je les garde dans l’espoir de pouvoir un jour les revoir. La technologie du XXIe siècle n’aura pas la peau de celle du XXe, qu’on se le dise !
- Morbius – (CosmoFiction)