LE CINOCHE DE TRAPARD : MATADOR (1985)
Trapard et le cinéma espagnol, Trapard et MATADOR. Un film qui n’a rien à faire dans CosmoFiction ? Si, la preuve par Trapard…
Je me souviens avoir découvert le cinéma d’Almodóvar en louant innocemment la VHS de FEMMES AU BORD DE LA CRISE DE NERFS (1988, Mujeres al borde de un ataque de nervios) dans un vidéoclub de quartier en 1989, et j’avais aussi entendu parler de la comédienne Carmen Maura. J’avais apprécié le côté survolté et hitchcockien du film mais sans plus finalement, mais ça m’avait tout de même incité à louer ATTACHE-MOI ! (1989, ¡Átame!). Et je dois bien reconnaître que la notoriété de Victoria Abril était passée par là, et je savais que c’était une comédienne qui n’avait pas froid aux miches devant une caméra. Puis je l’avais trouvée fascinante, charnelle, impulsive, maternelle et femme de caractère dans son rôle dans LA LUNE DANS LE CANNIVEAU (1983) de Jean-Jacques Beineix. Un film où je lui trouvais nettement plus de présence que Natassja Kinski qui bien qu’étant l’héroïne du film, se cachait comme toujours derrière la poésie de ses personnages. Alors que Victoria Abril se plantait belle et bien là.
ATTACHE-MOI a été comme une vraie claque pour moi, pour son mélange d’érotisme, et son histoire de kidnappeur maladroit et romantique interprété par un Antonio Banderas encore tout jeune. Puis Francisco Rabal y incarnait une sorte de réalisateur de films d’horreur fauchés, ce qui n’était pas non plus pour me déplaire. J’en avais même acheté la VHS que j’avais prêté aux copains du lycée, ainsi qu’à mon professeur d’espagnol. Quelques années plus tard, on me rapporta que ce même professeur, alors retraité et témoin de Jéhovah, se souvenait de moi comme un lycéen qui faisait des trafics de films pornographiques espagnols. C’est dire qu’en tant que Nouméen, je n’avais pas compris en cette année 1989 qu’il existait plusieurs « Espagne », et que ce mouvement cinématographique de « la Movida » n’était pas au goût de tout le monde, là où moi j’y voyais surtout des films frais et très modernes. Je n’ose même pas imaginer le scandale si je lui avais prêté l’excellent LES VIES DE LULÙ (Las Edades de Lulù) de Bigas-Luna (qui avait déjà tourné le film d’horreur ANGOISSE en 1987) et qui est sorti l’année suivante, et que même le vieil exploitant principal de Nouméa lui avait préféré une diffusion en salle très discrète et assez frileuse : dans la salle du Liberty destinée aux projections de films X.
En fin d’année, lors d’un voyage en Europe, je prenais le train pour la Catalogne. Et je logeais à Figueras, chez un correspondant (issu d’un échange dans « Le courrier des lecteurs » de Mad Movies) et qui détestait lui aussi Almodóvar, ne voyant que du plagiat (de Wim Wenders, de Nicholas Ray et d’Alfred Hitchcock), là où le cinéaste espagnol assumait pourtant ses références dans ses films. Quoi qu’il en soit, mon correspondant m’aida malgré tout à trouver les VHS de MATADOR et de LA LOI DU DÉSIR (1986, La ley del deseo). Je découvrirai les premiers films « punks » d’Almodóvar en 1992, dans un cinéma de quartier de Montpellier, lors de mes études universitaires.
MATADOR date de 1985 et on est déjà dans un long-métrage très bien construit, et très professionnel. J’entends par là que l’ensemble parait nettement moins négligé que dans ses films précédents qui sont beaucoup plus trashs et provocateurs, Almodóvar imposant généralement son homosexualité à l’écran de manière très violente. Mais MATADOR est un vrai compromis du cinéma d’Almodóvar, avec un excellent scénario. On y retrouve Antonio Banderas, très jeune et très naïf et romantique (dans un rôle proche de celui qu’il tient dans ATTACHE-MOI !) et l’ensemble est très sombre, à la limite du morbide. MATADOR est d’ailleurs une sorte de « Giallo » tardif, mais situé dans un milieu urbain d’Espagne où se côtoient des protagonistes aux passions les plus extrêmes : la religion, la tauromachie, la libido, et un goût extrême pour la mort, d’ailleurs sexualité et morbidité étant toujours très ambivalents dans le film. MATADOR démarre avec cette scène culte où Banderas se masturbe devant un passage de meurtre sanglant issu de SIX FEMMES POUR L’ASSASSIN (1964, Sei donne per l’assassino), le giallo incontournable de Mario Bava. Oppressé par une mère aux influences tentaculaires et membre de l’Opus Dei, tourmenté par le désir d’affirmer sa virilité, Ángel (Antonio Banderas) tente de violer en pleine rue sa voisine Eva, jeune mannequin et petite amie de Diego Montes, le professeur de tauromachie d’Ángel, mais il se ridiculise. Il se dénonce auprès d’un commissaire de police, puis en découvrant des photos de meurtres, il s’accuse de plusieurs crimes et demande l’assistance de l’avocate Maria Cardina. Lors de cette quête de virilité sous une apparence de monstruosité, Ángel va se confronter à Maria Cardina la mante religieuse et Diego Montes le cobra, deux prédateurs qui croiseront inévitablement leurs chemins…
Les deux comédiens Assumpta Serna et Nacho Martínez sont fascinants dans leurs rôles respectifs de Maria et Diego, éclipsant même, dans MATADOR, la présence du jeune et désormais mondialement célèbre Antonio Banderas. Bien que le film est souvent classé dans le cinéma d’auteur, ou comme un thriller érotique, je le considère comme un vrai film d’horreur. Mais là où n’importe quel Giallo ou Slasher aurait développé une certaine tension dans son suspense, Almodóvar a fait de MATADOR un film viscéralement morbide, à la limite du romantisme le plus sombre. Bien que trop personnels pour être considérés comme des films de genre, on retrouve pourtant dans les films de Pedro Almodóvar tous les ingrédients de ce cinéma d’exploitation. En 2011, on trouvera d’ailleurs des critiques de son film récent, LA PIEL QUE HABITO dans des magazines comme Mad Movies.
- Trapard – (CosmoFiction)
Je viens de revoir DANCING MACHINE (1990) de Gilles Béhat, avec Alain Delon, Claude Brasseur, et avec le danseur étoile Patrick Dupond.
C’est une sorte de Slasher à la française qui rappelle MATADOR par certains égards (bien que je préfère le film d’Almodovar).
Le site Nanarland lui a carrément consacré un article (perso, je trouve qu’il vaut mieux que l’appellation de « nanar ») :
http://www.nanarland.com/Chroniques/chronique-dancingmachine-dancing-machine.html
La bande-annonce italienne (le film a sûrement été vendu en Italie comme un giallo) :
http://www.dailymotion.com/video/xuqt40_dancing-machine-bande-annonce_shortfilms
Et pour ceux qui aiment la danse : une scène entre Alain Delon et la jeune danseuse-comédienne Tonya Kinzinger :
http://www.dailymotion.com/video/xdhs0j_dancing-machine-1990_fun